Jean Moulin (Jean-Pierre) est né le 20 juin 1899 à Béziers. Doué pour les arts graphiques, il aurait volontiers une carrière artistique, mais, sur les conseils de son père, il s’oriente vers des études de droit. Son père, Antoine-Émile dit Antonin, professeur d'histoire, est très engagé dans la vie politique locale, il est adjoint au maire de Béziers et conseiller général de l'Hérault.
En 1917, pour financer ses études et sur recommandation de son père, Jean Moulin entre au cabinet du préfet de l'Hérault où il débute comme attaché de cabinet avant de devenir sous-chef.
La France vit alors au rythme de la grande guerre. Comme les jeunes de sa classe d’âge, Jean Moulin va faire campagne contre l’Allemagne. Il est mobilisé dans le Génie du 17 avril 1918 au 01/11/1919. Renvoyé dans ses foyers, il reprend ses études et son poste au cabinet du Préfet de l’Hérault. Il obtient sa licence de droit en 1921 et devient tour à tour chef de cabinet du préfet de Savoie en 1922, sous-préfet d’Albertville en 1925. Il est alors le plus jeune sous-préfet de France.
En 1930, le 26 janvier, Jean Moulin quitte Albertville pour rejoindre les bords de l'Aulne où il va succéder au Sous-Préfet Philippe Dupard, nommé sous-préfet d’Avallon dans l’Yonne. Après un passage à Quimper il arrive à Châteaulin le 2 février 1930, au volant de son Amilcar modèle grand sport rouge.
Dans un premier temps Jean Moulin semble s’ennuyer à Châteaulin, déplorant le manque d’activités culturelles. Il va rapidement se lier d’amitié avec son secrétaire en chef, Jean-Baptiste Lucas, âgé de 31 ans comme lui. Ce dernier pratique en amateur l'aquarelle et le dessin et connaît le milieu des artistes dans le Finistère (Max Jacob, Saint-Pol Roux ...). Il sera un précieux guide.
Durant les trois années qu’il passe à Châteaulin, Jean Moulin s’adonne à sa passion et sublime la Bretagne dans ses œuvres qu’il signe du pseudonyme de Romanin (nom d’un château féodal en ruine situé près du berceau familial de Saint-Andiol)
En 1933, à la suite d’un désaccord avec le nouveau préfet du Finistère, M. Etienne Larquet. Jean Moulin est muté à Thonon-les-Bains.
En juillet 1939, il est nommé préfet de Chartres. Dès le début de la deuxième guerre mondiale, Jean Moulin souhaite combattre pour la France mais se heurte au refus de l’administration, qui le maintien à la préfecture.
La France est envahie le 10 mai 1940. Le 17 juin 1940 Jean Moulin est arrêté par les Allemands pour avoir refusé de signer une déclaration accusant à tort des tirailleurs sénégalais du massacre de populations civiles. Après un passage à tabac en règle, il est enfermé. Craignant de céder sous la torture, il tente de se donner la mort, en se tranchant la gorge avec un morceau de vitre trainant au sol. Soigné il reprend ses fonctions à la Préfecture.
Le 2 novembre 1940, Jean Moulin est révoqué par le gouvernement de Vichy. Convaincu dès lors de son devoir de lutte contre l’occupant, il se rapproche des mouvements de Résistance naissant en France. Le Général de Gaulle, qu’il rencontre à Londres, le charge de rallier et d'unir ces mouvements puis de créer le Conseil national de la Résistance. (CNR, dont Jean Moulin fut le premier Président).
Malheureusement, le 21 juin 1943 à Caluire, Jean Moulin tombe aux mains du "Sicherheitsdienst", le service de renseignements et de la sécurité du Reichsführer-SS ». De terribles tortures lui sont infligées par Klaus Barbie. Il succombe, le 8 juillet 1943, lors de son transfert en Allemagne, dans un train aux environs de Metz.
Décorations militaires de Jean Moulin
Jean Moulin en Finistère
La presse ancienne fait état de la participation du sous-Préfet Jean Moulin, à différentes réunions et manifestations à Châteaulin et dans le Finistère. L’association lors de ses recherches a retrouvé ce discours émouvant fait le 6 mars 1932 à Huelgoat, à l’occasion de l’inauguration du monument élevé à la mémoire de 94 de ses enfants tombés au cours de la grande guerre. (Dépêche de Brest du 03/03/1932)
Discours de M. Moulin, sous préfet de Châteaulin
6 mars 1932 Huelgoat
Mesdames, messieurs,
Devant ce monument que votre pensée pieuse et touchante a érigé comme un hommage sacré, je viens, au nom du gouvernement de la République, saluer respectueusement la mémoire des nobles enfants de Huelgoat tombés au champ d'honneur pour défendre l'existence et l'indépendance de la patrie.
D'aucuns pourront penser que c'est là un tardif hommage, mais je suis persuadé que personne ici n'a pu croire qu'il ne serait pas rendu, puisqu'aussi bien, au cœur de ce pays breton pétri de traditions, respectueux et fier de ses morts, le culte du souvenir n'est pas un vain mot.
Quatorze ans ont passé, en effet, et cependant, en évoquant l'abominable guerre qui a jeté tant des nôtres au creux des tombes, qui a noyé de pleurs les yeux de tant de mères, de veuves et de sœurs, nous nous sentons étreints par la plus immense douleur : nous sommes pénétrés d'angoisse et de désolation au lamentable spectacle de toutes ces jeunes existences brisées, de ces rêves évanouis, de ces belles espérances trahies par le destin.
Ils étaient partis au premier appel de la patrie menacée et tout de suite, lancés dans l'épouvantable mêlée, ils ont combattu avec toute l'ardeur de leur cœur généreux.
Tous, héros de 20 ans, vers qui s'envolaient de si tendres rêves ; beaux adolescents dans la fleur de la vie, a qui souriait un avenir riche d'espoirs : hommes d'âge mûr, avec la calme résolution, la gravité recueillie convenable à leur génération ; tous, soldats et marins, riches et pauvres, sans distinction de classe, dans une même communion ardente, tous sont allés jusqu'aux extrêmes limites de l'effort. Ce sera la gloire de la IIIe République d'avoir pu susciter devant le danger extérieur une unanimité jamais atteinte dans aucun temps.
Jamais aussi, cause ne fut plus juste. Et ceci n'est une provocation pour personne. Honorer nos morts, dire que leur cause fut juste, exiger le respect de nos droits, ce n'est pas semer des ferments de haine. Nous pensons au contraire que la paix ne pourra s'instaurer définitivement que par la justice, c'est-à-dire dans le respect des engagements et l'exécution des traités. Hors de ces sentiments, ce n'est que le chaos, l'anarchie, la porte ouverte à tous les appétits, à toutes les violences.
C'est seulement en fonction d'une justice Internationale non discutée que peut se concevoir l'avenir pacifique de l'humanité. Certes, la chemin est rude qui mène à la réalisation complète de ces aspirations, et il est encore beaucoup de difficultés à surmonter, de préjugés à abattre.
Mais ce serait trahir ceux que nous célébrons aujourd'hui que de ne pas faire confiance aux gouvernements qui veulent vraiment organiser la paix. C'est le grand espoir des peuples ; il ne faut pas qu'il soit déçu !
C'est pourquoi, indépendamment du devoir sacré que nous remplissons en élevant des monuments aux héros et aux martyrs de la grande cause, nous constituons des témoins immuables par quoi les générations à venir sauront mesurer toute l’horreur de la guerre. Puissent-ils, en les incitant au respect dû à leurs glorieux aînés, leur inculquer le désir d'assurer au monde une paix durable dans le travail et le progrès.
Cet article à été rédigé par une citoyenne et mis à disposition de REZ.
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21/06/2024