Bien que définie précisément et factuellement, la qualification “d’extrême” est utilisée à tort et à travers, même par certains médias nationaux ou certains élus pourtant associés à des partis « nuancés ». Au risque de brouiller les pistes et de ne pas suffisamment informer les électeurs des dangers des partis réellement extrêmes.
Par ailleurs, les membres du “Rassemblement National” se défendent depuis plusieurs années d’être un parti d’extrême-droite.
Le collectif REZ reprend les bases pour vous éclairer sur cette notion essentielle.
Les nuances politiques sont décidées par le Ministère de l’Intérieur (via les préfectures) et mises à jour à chaque élection. Outil d’analyse électorale, ces nuances sont utilisées par l’administration française pour centraliser les résultats. Par exemple, pour les élections sénatoriales en 2023, il y avait 22 nuances regroupées en 6 blocs de clivage. Ce sont les “blocs de clivage” que nous appelons maintenant communément “nuances politiques”, les voici :
Pour définir les différentes nuances politiques, le Ministère de l’Intérieur s’appuie sur les préfectures, chargées d’étudier le positionnement des partis à partir de critères objectifs : faits historiques, rapport aux institutions, prises de position des différents candidats sur les questions économiques, sociales et environnementales et constance de ces prises de position au fil des ans, liens idéologiques et relations qui unissent les partis français avec des mouvements d’autres pays européens et au Parlement européen, actualité politique nationale (ce dernier critère explique par exemple que le programme du candidat Parti Socialiste -François Mitterrand- en 1981 serait sûrement classé plus à gauche sur l’échiquier politique actuel qu’à l’époque).
L'extrême gauche et l'extrême droite sont définis comme "la partie de la gauche, de la droite, la plus éloignée du centre", selon Le Petit Robert de 2012. S’il s’agit du même mot au niveau de la langue française, “extrême-gauche” et “extrême-droite” n’ont ni la même histoire, ni ne recouvrent les mêmes idées politiques[1]. Aussi, pour définir ces courants et comprendre leur évolution, il est nécessaire de connaître leur histoire.
La principale caractéristique des extrêmes est de remettre en cause de manière plus ou moins assumée les institutions démocratiques et leur fonctionnement (ce qui n’empêche pas qu’ils peuvent se réclamer des valeurs démocratiques dans leurs discours)[2]. Cela n’empêche pas les extrêmes de se servir des institutions (comme les campagnes électorales) pour faire entendre leurs idées et gagner des militants. Par exemple : Le Nouveau Parti Anticapitaliste “NPA” et Lutte Ouvrière “LO” jouent le jeu électoral mais contestent la voie légale de la conquête du pouvoir et estiment que celle-ci doit se faire par la grève générale, les mouvements sociaux, et pas par l’élection » explique le politologue Rémi Lefebvre dans un article du NouvelObs du 13/06/202.
De plus, les mouvances extrêmes justifient l’usage de certaines formes de violence pour atteindre leurs objectifs (par exemple : insurrection, terrorisme, destruction, à ne pas confondre avec la désobéissance civile qui est par définition non-violente).
Définition de l’extrême-gauche :
Comme champ politique, l’extrême-gauche regroupe plusieurs mouvances (les trotskistes - courant dissident du Parti Communiste Français -, les mouvements libertaires comme les anarchistes et certains mouvements contestataires issus de Mai 68…) très différentes mais qui ont en commun « une volonté de rupture avec le système capitaliste et l’économie de marché, ainsi qu’une « critique plus ou moins radicale de la gauche institutionnelle»[3].
Définition de l’extrême-droite :
De la même manière que pour l’extrême-gauche, l’extrême-droite est un champ politique dont on peut présenter les caractéristiques, mais il est difficile d’en donner une définition figée. Plusieurs mouvances appartiennent à l’extrême-droite, notamment la mouvance fasciste (ayant atteint son apogée dans la décennie 1930-1940, jusqu’à la fin de la 2nde guerre mondiale) et le national-populisme qui lui se définit par la peur de la décadence et la défense du “bon peuple” (le Français moyen faisant preuve de “bon sens”) : cela se traduit par un fort nationalisme, un conservatisme social marqué et le rejet de l’immigration ainsi qu’une défiance envers les élites et les institutions jugées inaptes à protéger le peuple[4]. (entre autres nombreux courants beaucoup plus petits)
Ainsi, d’après Nicolas Lebourg, historien et spécialiste de l’extrême-droite dans cet article du Monde, deux points essentiels permettent de définir les extrêmes-droites :
Ces deux caractéristiques opposent les extrêmes-droites à l’Etat de droit. Exemple : l’idée de “préférence nationale” portée par le RN et Reconquête est en opposition avec la Constitution Française qui proclame l’égalité des citoyens devant la loi « sans distinction d’origine, de race, ou de religion » et ce depuis 1789.
Pour synthétiser, on peut utiliser la définition de Jean-Etienne Dubois, agrégé et docteur en histoire contemporaine, dans son ouvrage l’Extrême droite française : « les partis d'« extrême droite » sont « les organisations qui contestent le système politique républicain et démocratique (anti-électoralisme, antiparlementarisme, aspirations autoritaires, etc.) et/ou le caractère universel des valeurs républicaines de liberté et d’égalité (antisémitisme, racisme, xénophobie, etc.) ».
Le 11 mars 2024, le Conseil d’Etat -plus haute juridiction administrative en France chargé du respect des lois et de la Constitution française - a validé les nuances attribuées par le Ministère de l’Intérieur (après avoir été saisi par Jordan Bardella et Marine Le Pen qui contestaient la classification des candidatures des élections sénatoriales de 2023) : le Rassemblement National est bien un parti d’extrême-droite et la France Insoumise, un parti du bloc « gauche » mais pas “extrême-gauche”.[5]
Actuellement, dans le bloc de clivage d’Extrême gauche on retrouve
Lutte ouvrière (LO)
Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA).
A l’extrême droite, nous retrouvons :
le RN (Rassemblement National). Le Ministère de l’Intérieur a d’ailleurs bien placé « l’alliance Ciotti (LR)-RN pour les législatives 2024 dans le bloc « Union d’extrême droite »[6].
Reconquêtes.
Si vous avez lu l’article, vous savez désormais que derrière le même mot ne se cache pas les mêmes réalités historiques et politiques. Quand on compare les programmes, ceux-ci sont incompatibles sur de nombreux points. Et l’on observe que ce n’est pas parce qu’ils critiquent les mêmes institutions qu’ils les critiquent pour les mêmes raisons. Aussi, l’idée que « les extrêmes se rejoignent » est simpliste et trompeuse alors que c’est la nuance qui permet de dégager de réels éléments de compréhension en politique. Cette idée est celle de la « théorie du fer à cheval ».
Le collectif REZ, transpartisan, se concentre sur sa mission de déconstruire les discours mensongers des partis d’extrême-droite.
Aussi, entre les discours politiques des membres de ces partis et la décision juridique du Conseil d’Etat, vous pouvez être un peu perdus : nous vous invitons à consulter nos autres articles (votes, histoire, dénonciation des fausses-informations), par exemple pour comprendre pourquoi Marine Le Pen ment quand elle dit que le RN n’est pas d’extrême-droite.
De la même manière, pour aller plus loin et comprendre pourquoi la France Insoumise n’est pas considérée comme étant à l’extrême-gauche, regardez la définition, le détail des programmes et surtout les votes au Parlement.
Nous vous avons également indiqué quelques sources supplémentaires pour aller plus loin.
D’autres sources pour aller plus loin :
https://www.monde-diplomatique.fr/2019/04/BRISSAUD/59741
https://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/extremegauche
https://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/extremedroite
https://bonpote.com/lextreme-droite-et-lextreme-gauche-est-ce-vraiment-la-meme-chose/
[1] Source: https://www.francetvinfo.fr/politique/extreme-droite-extreme-gauche-mais-de-quoi-parle-t-on_427050.html
[2] Serge Cosseron, historien et auteur du “Dictionnaire de l’extrême-gauche” et Erwan Lecœur, sociologue et co-auteur du “Dictionnaire de l’extrême-droite en France” s’accordent sur cette caractéristique.
[3] https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/extreme-gauche-de-quoi-parle-t-on-exactement-242479
[4] https://fr.statista.com/themes/10062/la-montee-de-l-extreme-droite-en-europe/#topicOverview
[5] https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000049267171